Eh bien voilà, j’avais la prétention de me sentir toujours jeune dans ma tête, si ce n’est dans mon corps, mais la réalité est en train de frapper : je vieillis, et il est même fort probable que je vais devenir un vieux con. Oh, rien de grave, me direz-vous, des millions sont passés par là avant moi, et autant sinon plus (ça dépendra de ce que nous faisons de cette terre) en passeront par là.

Donc tant qu’à aborder une nouvelle phase de mon existence, autant la faire avec entrain ! D’où l’idée de mettre par écrit ce qui vient à l’esprit d’un vieux con en devenir, ou autrement dit, d’un « apprenti vieux con »… D’où le titre de ce journal.

Faisons tout de suite un pas décisif dans cette direction, avec une première remarque de vieux con : je n’ai pas envie d’appeler ces notes à venir « blog », même si, de fait, c’en est un. D’abord, un vieux fond de résistance franchouillarde m’en empêche : j’aime l’anglais, comme d’autres langues que j’ai le bonheur de pouvoir utiliser, mais j’aime aussi passionnément la langue que les miens m’ont enseignée. Alors je ne manque pas une occasion de me rappeler à son bon souvenir, en essayant de la défendre chaque fois que j’y pense. En l’occurrence, pourquoi ne pas avoir recours à un nom français ? Même si je ne suis pas sûr de coller tout à fait à la définition d’un journal (à commencer par la fréquence quotidienne de l’exercice que requiert le mot), j’aime le mot, j’aime le son, j’aime l’idée, j’aime même toute l’histoire qu’il y a derrière. Et tout modestement, j’aime à me placer dans l’ombre des très grands qui ont donné toute leur dimension à ce mot de « journal » : Jaurès, Anne Franck, pour ne citer qu'eux…

Ensuite, le mot lui-même me déplait par sa musique : « blog ». Simple et efficace, percutant, me direz-vous ? Il m’évoque plutôt une éructation, un renvoi. Faites l’essai ; dites-le à voix haute (et si vous n’êtes pas encore convaincu, refaites l’essai après quelques virages d’une route de montagne à l’arrière d’un autobus surchauffé). Vous entendez ? C’est laid, n’est-ce pas ? En tout cas, bien laid pour désigner ce que tant de plumes talentueuses (je devrais écrire « de claviers talentueux ») en font aujourd’hui, inconnus ou reconnus.

Et puis, mon coup de grâce à ce mot : il ressemble à s’y méprendre à un autre mot anglais, « blob », qui désigne une masse visqueuse, informe, glissante… Qui voudrait qu’on confonde le partage de ses écrits avec une telle horreur ?

L'affaire est donc entendue : ce sera un "journal".